2 juillet 2014

Brésil : pourquoi la révolution n’a pas eu lieu

Il y a quelques jours j’ai demandé à un ami où étaient passés les millions de Brésiliens descendus dans la rue en juin 2013. Sa réponse a été aussi claire que stupéfiante : « ils sont à la maison. Ils regardent les matchs de football ». Chassez le naturel, il revient au galop? La passion des Brésiliens pour le football dépasserait-elle tous les enjeux politiques et sociaux? / Manifestation au Congrès national à Brasília, juin 2013 / Valter Campanato/ABr / Wikimedia Commons

Pas une configuration de classe

Pour en avoir discuté un bon moment avec des collègues sociologues – parmi lesquels des marxistes – il semble que les manifestations sociales qu’on a vues au Brésil en 2013 pendant la Coupe des confédérations n’avaient pas d’avenir, car n’ayant aucune configuration de classe.

Même si de l’avis de Francis Fukuyama les conflits sociaux au Brésil sont le reflet de l’émergence d’une nouvelle classe moyenne.

Or, ces classes moyennes sont parfois confondues avec les « bobos » notamment pour leur incapacité à produire une réelle mobilisation collective. Souvent enclines aux valeurs individuelles, ces nouvelles classes moyennes ont visiblement perdu tout intérêt à la « révolution » qu’elles promettaient.

L’art a tué la politique

Ou alors, l’explication serait-elle plus simple… Cette si belle Coupe du monde, avec sa moyenne de buts historiques, a-t-elle simplement inhibé l’esprit de révolte chez les Brésiliens? L’art a-t-il simplement tué la politique ?

Il semblerait, et ce contre toute attente, que la tournure dramatique des matchs ait captivé l’intérêt national au point de reléguer la politique au second plan.

On est peut-être encore loin de l’union sacrée derrière la Seleção de Felipe Scolari, mais la situation est d’autant plus calme que Dilma Rousseff cogite l’option d’aller remettre la Coupe au vainqueur du Mondial. Chose qui était impensable il y a de cela quinze jours lorsqu’elle se faisait insulter au Stade Itaquerão.

Cette simple explication n’est pour autant pas si bête que cela. Il suffit de constater l’anxiété des Brésiliens avant chaque match de leur équipe nationale, le silence pendant les matchs puis l’explosion à la fin de ceux-ci pour se rendre compte qu’au pays de « l’ homme cordial« , on ne badine pas avec le football.

 

Serge Katembera, Mondoblogueur a Joao Pessoa, au Brésil

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Commentaires

Agbadje Adébayo B. Charles
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Une analyse parfaite et un beau billet.

Serge
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Merci bien !

celso
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Parfait, mon amie. Inscrivez ci-dessous.