Edwige-Renée DRO

Les primes ont-elles tué les équipes africaines?

BILLET D’HUMEUR | C’est devenu une – mauvaise – habitude : à chaque Coupe du monde, les sélections africaines se déchirent autour de la question des primes. Et c’est logiquement leurs performances sur le terrain qui font les frais de ces polémiques. (Crédit photo : 2bgr8, Wikimedia Commons)

Une autre Coupe du monde, et un autre problème de primes de joueurs des équipes africaines.  Cette année, trois sélections – le Cameroun, le Nigeria et le Ghana – participant au Mondial discutaient toujours du paiement de leurs primes à la veille d’importants matchs.

Le Cameroun même aurait refuser de prendre l’avion pour le Brésil.  Quant au Ghana et au Nigeria, les responsables de leurs fédérations respectives ont été obligés de se rendre au pays pour envoyer l’argent aux joueurs.  Et de l’argent en liquide !  Comme quoi, les joueurs n’ont aucune confiance en leurs dirigeants.  Bien que du côté ghanéen, le sélectionneur Kwesi Appiah a affirmé que cette pratique de transporter de l’argent en liquide était tout à fait normal : tous les joueurs n’ont un compte bancaire, a-t-il tenté de nous convaincre.  Mais on peut d’émettre un grand hum.

L’exemple du Zaïre

Hum en effet.  Tout le monde sait que la FIFA débloque l’argent bien avant le démarrage de la compétition. Alors pourquoi l’argent n’est-il jamais débloqué à temps au niveau national ?  Pourquoi est-ce-que pendant tous les matchs, on doit gérer cette affaire de primes ?

Souvenez-vous du Zaïre en 1974.  Malgré tout ce que Mobutu avait promis aux joueurs – maisons, boulots de complaisance dans l’administration et bien sûr, primes – rien n’avait été respecté et pourtant, les joueurs ont fait ce qu’ils avaient à faire.  Non, eux n’ont pas boycotté un entraînement et ont joué avec abnégation sur le terrain. Ils ont malgré tout été battus, d’abord par les Yougoslaves 9 -0 et finalement par les Allemands 3-0.

Parce que oui, c’est bien beau de dire que les joueurs touchent de grosses sommes à l’étranger et donc qu’ils devraient laisser tomber cette affaire de primes.  Après tout, depuis quand le prompt paiement des primes et même la promesse de la doubler font mouiller le maillot à ceux qui n’ont aucunément l’intention de le faire ? Les Eléphants de Côte d’Ivoire, c’est vous que je regarde.

Mal payés, mal transportés, mal logés

Cette année, on a beaucoup parlé des Grecs qui ont renoncé à leurs primes mais ont demandé à leur gouvernement de construire un centre d’entraînement pour l’équipe nationale.  C’est bien beau mais tout le monde n’a pas les memes réalités.

Si les Grecs étaient habitués à être doublés par leur gouvernement, eux aussi n’auraient pas été si bénévolents.  Parce que affaire de primes mise à part, le milieu de l’equipe du Ghana, Kevin-Price Boateng commentait par exemple qu’ils avaient été transportés au Brésil en classe éco.  Juste avant le match qui les opposait aux Etats-Unis, ils avaient dormi dans des chambres où l’eau coulait.

Donc avarice dans le déplacement et l’hébergement des joueurs, lenteur dans le déblocage des primes – que seule la menace débloque – et quelquefois même primes carrément impayées.  Dans ce genre de circonstances, pourquoi le jeu Africain ne mourrait-il pas ?

Edwige-Renée DRO, Observatrice de France 24 à Abidjan, en Côte d’Ivoire


Côte d’Ivoire : supporter ivoirien, as-tu du coeur ?

BILLET D’HUMEUR | A écouter de nombreux commentateurs, la raison pour laquelle les Eléphants ne vont jamais loin, c’est parce qu’il y aurait trop de pression sur leurs épaules. Du coup cette année, leurs supporters se sont résignés, et semblent suivre les exploits de leurs joueurs favoris sans grande attente.

Didier Drogba. L’espoir d’un continent, l’espoir d’une génération, celui dont le nom est sur toutes les lèvres, dans tous les esprits. Mais qui ne supporterait pas la pression d’un Mondial, comme ses 22 coéquipiers.

Ayant retenu l’expérience des précédentes CAN et Coupes du monde, les Ivoiriens se sont résignés. Pour ce Mondial brésilien, ils ont décidé de laisser les joueurs tranquilles. « Allez-y sans pression !« , semblaient dire beaucoup dde supporters des Eléphants samedi, pour le premier match de leur équipe. L’engouement des années précédentes s’est évaporé cette année.

Des supporters présents, mais moins motivés…

Bien sûr, comme on le dit, les Ivoiriens aiment chauffer, donc il y avait du monde dans les maquis et bars, les écrans géants étaient positionnés pour la rencontre face au Japon. Mais les clients étaient là parce qu’ils fallaient être présents, mais la motivation n’était pas la même que par le passé…

Beaucoup sont même restés à la maison et la réponse à la question, “Tu regardes le match ?”, on entendait souvent la réponse : “Si je suis débout, ma chère.”  Certains te regardaient même comme si tu leur avais demandé de tuer leur grand-mère…

Découragement n’est pas ivoirien

Espérons que les Éléphants ne donnent pas plus de poids à ce manque d’engouement parce que le premier match était laborieux. Si en fin de compte le score a été positif, ils ont eu beaucoup de mal à conserver leur avantage.

Mais découragement n’est pas Ivoirien  et après les deux buts, les supporters étaient vraiment heureux.  Ce jeudi sera le bon jour.  Le match contre la Colombie est à 16 heures donc ça bougera dans les maisons, les quartiers, les bars et maquis.

Allez les Éléphants!!!!


Côte d’Ivoire : « Les supporters ivoiriens, des masos ? »

Au Brésil, les Eléphants seront très attendus par leurs supporters (Crédit photo : manbeastextraordinaire, Flickr/CC)
Au Brésil, les Eléphants seront très attendus par leurs supporters (Crédit photo : manbeastextraordinaire, Flickr/CC)

Parfait Kouassi, le président du comité national de soutien à l’équipe de Côte d’Ivoire, a demandé aux supporters des Elephants d’être « maso » pour encourager leur équipe. Un terme qui a fait bondir Edwige Renée-Dro, à Abidjan.

Pendant le lancement de campagne de soutien aux Eléphants, M. Parfait Kouassi, président du comité national de soutien aux Eléphants (CNSE), a exhorté les quelques 50 supporters qui seront au Mondial – ainsi que nous qui serons à la maison ici en CIV- d’être des supporters maso.  Hey !  Moi qui pensais qu’on choisissait si on était maso ou sadiste, quel nouveau Cinquante nuances de Grey M. Parfait Kouassi veut écrire encore ici?

Je le comprends tout de même.  On ne sait pas ce que Drogba et ses co-équipiers nous réservent cette année : ils ne nous ont pas fait de cadeaux les années passées, mais comme on le dit ici en Côte d’Ivoire, découragement n’est pas Ivoirien.  Parce que si c’était Ivoirien, qui allait rester débout pour regarder le match amical contre la Bosnie pendant lequel nous avons été massacrés ?

La Côte d’Ivoire veut aller loin… mais si les Ivoiriens ne savent pas où c’est

À moins que l’exhortation que M. Parfait a lancé aux féticheurs, marabouts et autres ait été incomprise.  Ou alors les féticheurs ainsi que nos pachydermes ont décidé qu’étant donné que le match contre la Bosnie était un match amical, il ne fallait pas montrer toute leur puissance.  En tout cas, on espère que c’ette explication est la bonne parce que cette année là, on veut aller loin.  On ne sait pas où loin est, mais on veut aller là-bas.

Entretemps, nous serons les supporters maso que M. Parfait Kouassi veut qu’on soit.  Est-ce-qu’on n’a pas montré cela par le passé ?